
L’animal n’est pas spectacle ; il chasse pour son compte ; lui-même est nourriture. Son sang ressemble à notre sang. Ces rapports violents obscurcissent la nature. Ils nous saisissent plus fort dans l’animal apprivoisé et dressé ; car c’est presque notre semblable, et les différences éclatent par cela même.
L’animal n’est pas spectacle ; il chasse pour son compte ; lui-même est nourriture. Son sang ressemble à notre sang. Ces rapports violents obscurcissent la nature. Ils nous saisissent plus fort dans l’animal apprivoisé et dressé ; car c’est presque notre semblable, et les différences éclatent par cela même.
Il est urbain, comme il est enfantin, de croire à l’amitié des bêtes. Tout n’est pas idylle en cette familiarité, car on mange le boeuf. Si le boeuf se fie à l’homme, le boeuf a bien tort. C’est une raison de ne pas tant se fier au boeuf, même sans compter le coup de corne.
Aussi l’on observe chez les dresseurs, qui font profession d’aimer les bêtes, et qui sans doute les aiment d’une certaine façon, une brutalité fort prompte ; c’est alors que l’on peut dire, en suivant Eschyle, que force gouverne et que violence n’est jamais loin ; et il en résulte, dans l’animal, des mouvements de peur qui en vérité sont très impolis.
(…)
Plus profondément, il n’est point permis de supposer l’esprit dans les bêtes, car cette pensée n’a point d’issue.
Tout l’ordre serait aussitôt menacé si l’on osait croire que le petit veau aime sa mère, ou qu’il craint la mort, ou seulement qu’il voit l’homme.
L’oeil animal n’est pas un oeil. L’oeil esclave non plus n’est pas un oeil, et le tyran n’aime pas le voir ; toutefois en ce cas, qui est tout politique, on imagine aisément la haine, la crainte, l’espérance ; au lieu que devant l’animal on repousse toutes ces choses, dessinant et achevant au contraire l’impénétrable, l’imperméable forme.
On s’arme ici de piété, contre une pensée importune ; et encore une fois la prière agreste est un monstre d’inattention.
C’est aux travaux sur la bête que l’homme apprend à ne pas penser. Il se détourne ; et il y a du fanatisme dans ce mouvement.
L’animal ne peut être un ami, ni même un ennemi ; n’en parlons plus, parlons d’autre chose, ou parlons sans penser.
L’homme le doigt sur les lèvres, c’est le silence de pensée qu’il impose d’abord à la nature ; c’est le droit refusé.
Cette dureté, ce mouvement d’épaule, ce travail repris, cet arrêt des pensées est dans tout geste de religion. Le rite est un impénétrable refus ; le Sphinx, de toute façon, figure les anciens dieux.